Reviews Orphée et Eurydice Opéra de Clermont-Ferrand
« De même que la mezzo Eléonore Pancrazi (toute récente Victoire de la musique) qui, malgré sa jeunesse, ne trahit ou surjoue aucun des reflets de l’âme tourmentée d’Orphée. Elle sait habillement noircir le timbre de sa voix, sans nuire à sa puissance, son émotion et son éloquence. »
« La mezzo-soprano Éléonore Pancrazi, en Orphée (il s'agit de la version révisée en français par Berlioz de cet opus), surprend dans un premier temps, par un jeu exubérant, parfois burlesque qui tranche avec la retenue des choristes, de la scénographie et, sur certaines scènes, notamment au début de l’opéra lorsqu'Orphée réagit à la mort d’Eurydice à grand renfort de mouvements corporels amples, avec l’orchestre. Sa voix possède un timbre aux couleurs à la fois lyriques et dramatiques, avec des graves ronds et chauds, placés très en avant, un tissu ample et fourni, des aigus larges et faciles. Elle parvient à assumer avec panache les sauts du très grave à l’aigu imposés régulièrement par la partition ainsi que les vocalises rapides qui dévoilent une agilité certaine
(...) Enfin, Éléonore Pancrazi fait montre de sa maîtrise technique en délivrant un texte clair et articulé (...) porté par une ligne de souffle et de chant contrôlée.
« Aujourd’hui, à Clermont-Ferrand, c’est la révélation lyrique des dernières Victoires de la musique classique qui aborde pour la première fois le rôle, la jeune Eléonore Pancrazi n’ayant pas attendu la reconnaissance « officielle » pour mener une saison soutenue entre prises de grands rôles et débuts dans des institutions lyriques prestigieuses.
Ce qui marque le plus dans cette prestation est la constance de l’engagement de la jeune artiste qui assume sans faillir un rôle dont l’endurance est l’une des exigences principales. La rondeur de ses graves parfaitement projetés tout au long de la soirée, enveloppe et rassure malgré le drame qui se joue, l’approche d’Eléonore Pancrazi se révélant particulièrement intense lors de ses inflexions pathétiques de son air « J’ai perdu mon Eurydice ». La mezzo sait aussi faire preuve de lyrisme et de technique, notamment dans l’air écrit précisément par Berlioz pour Pauline Viardot, « Amour, viens rendre à mon âme » ; les vocalises ne manquent pas d’agilité dans l’exploration de graves et d’aigus abordés de façon tout à fait honorable. Un souffle calibré et une diction particulièrement travaillée agrémentent une jolie prise de rôle. »
https://www.resmusica.com/2019/05/10/lorphee-deleonore-pancrazi-a-clermont-ferrand/
« La mezzo Éléonore Pancrazi rend ô combien crédible et déstabilisant ce héros perdu, fragile et éperdu, mais néanmoins animé d’une détermination farouche. Elle nous ouvre à cette possibilité dérangeante d’une permanente équivoque sur la réalité de ses sentiments. Douloureuse et saisissante d’humanité, elle a parfaitement assimilé la dualité stylistique de son Orphée-Janus à la fois tournée vers l’esthétique baroquisante d’un Gluck et réceptive aux flamboyances berlioziennes.
Si l’aspect viril du personnage tout de noir vêtu s’impose à l’évidence, la suavité d’une émission hyper contrôlée nous confond par la persuasion toute féminine d’une tension intérieure et la sensualité d’une pulsion constamment attentive aux nuances. L’énergie et la maturité de l’expression dont elle s’investit font apparaître un Orphée prisonnier de son martyr, tel un Saint Sébastien nous persuadant des vertus doloristes portées par une auto-affliction rédemptrice. Amour maladif, maladie de la passion : Orphée expie ses propres fantasmes jusqu’à s’y confondre et ne plus faire qu’un avec le Chœur infernal dont il épouse la noire apparence, parfaite antithèse à la pâleur diaphane d’Eurydice. »
« On ne saurait évidemment monter la version Berlioz sans disposer d’une interprète capable d’en affronter les difficultés, dans le souvenir de la légendaire Pauline Viardot, sa créatrice. Eléonore Pancrazi relève le défi avec panache, faisant valoir une voix homogène, pas immense mais bien projetée, suffisamment virtuose dans le grand air du I, cadence Viardot incluse, ainsi qu’une excellente diction.
Opera Magazine